Bonjour à toutes et à tous, nous espérons que vous avez passé une bonne semaine et bienvenue dans votre dose hebdomadaire d'actualités en affaires publiques offerte par le cabinet VOXA.
Voici les éléments qu'il ne fallait ne pas manquer cette semaine :
La citation de la semaine :
« Chaque fois que l'on refuse 1 milliard pour le logement, c'est 10 milliards que l'on prépare pour les tribunaux, les prisons, les asiles de fous. » Abbé Pierre – Février 1954
L’instant réglementaire :
Le Logement à l’abri au Parlement
Le contraste est fort entre une politique du logement conçue dans les années 1970, voire dans l’après-guerre, autour des priorités de reconstruction, et les réalités humaines de la France des années 2020. En outre, bien que cette politique s’inscrive dans un cadre en évolution constante, elle peine à atteindre ses objectifs, dont le nombre s’est élargi. De nombreuses lois se sont succédées au cours des dernières années et, en dépit des réformes successives, le budget public consacré au logement reste à un niveau comparativement plus élevé que dans des pays comparables, sans pour autant garantir une plus grande efficacité, notamment pour loger les ménages modestes et défavorisés.
Dans un contexte de dégradation des finances publiques, les enjeux apparaissent nombreux : nécessité d’un meilleur ciblage des diverses aides et des bénéficiaires du parc de logements sociaux, réponses aux évolutions des besoins des ménages sur le territoire (développement du télétravail, transports rapides, attractivité des villes moyennes, etc.), adaptation de l’habitat au vieillissement de la population et à la préservation de l’environnement, meilleure coordination entre les acteurs notamment par un duo collectivités/écosystème.
Et si c’était cela le nouveau combo ? Un pool parlement/territoires avec un ministère prescripteur et des opérationnels sur le terrain. L’agence nationale de la cohésion des territoires a déjà donné le LA en regroupant Anru, Anah, Ademe ou Cerema dans une démarche inclusive avec les collectivités. Action cœur de Ville a suivi pour une action de plus en plus territorialisée. Et ce ne sont pas les deux textes en phase de navette au Parlement qui vont contrecarrer la tendance : le projet de loi contre « l’habitat dégradé » adopté à l’Assemblée et la loi dite « Airbnb » en route vers le Sénat.
« La proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue » a essuyé les plâtres à l'Assemblée nationale. Lancée en avril dernier par Annaïg Le Meur, députée du Finistère, et Iñaki Echaniz, député des Pyrénées-Atlantiques, et destinée à faire face à l'essor des locations touristiques de courte durée, cette PPL "transpartisane" n'avait pas été inscrite à l'époque à l'ordre du jour des travaux parlementaires avant de connaître un parcours sinueux. (après une levée de boucliers de députés LR au grand dam du ministre Vergriete et Riester…).
Largement adoptée le 28 novembre en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, est destiné à faire face à l'essor des locations touristiques de courte durée et aux pénuries de logements de longue durée qu'elles entraînent sur de nombreux territoires. Parmi les articles en suspens, celui touchant à la fiscalité des meublés touristiques devait initialement être examiné après la remise d'un rapport de mission, pas avant février ou mars 2024, après arbitrage de Matignon. L'examen de la PPL n'a pas pu ainsi aller à son terme, faute de temps, lors de la séance publique de l'Assemblée nationale le 6 décembre, le temps que quelques porteurs d’intérêts puissent être encore entendus ou le pouls des collectivités tâté.
Et il y avait de quoi : lors de la première lecture en séance publique, les articles 1er, 1er bis et 2, visant respectivement à généraliser le numéro d’enregistrement des meublés de tourisme, à créer une obligation de DPE (diagnostic de performance énergétique) pour les locations de courte durée et à donner aux communes la possibilité d’abaisser le nombre maximal de jours de locations touristiques des résidences principales entre 90 et 120 jours, ont été adoptés. En revanche, les députés n’ont pas pu se prononcer sur la création d’outils de régulation à la main des communes et sur l’alignement des avantages fiscaux entre locations de courte durée et de longue durée.
Cet amendement prévoyait de diminuer l'abattement fiscal micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) de 71 à 40 % pour les meublés de tourisme classés et d'instaurer un plafond de 30.000 euros (contre 188.700 euros actuellement), et de 50 à 40 % pour les meublés non classés, avec un plafond de 15.000 euros (contre 77.700 euros actuellement). Parallèlement, il entendait rehausser le taux de l'abattement de 30 à 40 % pour un logement en location de longue durée classique, sous le régime microfoncier, et porter son plafond de 15.000 à 30.000 euros.
Cette proposition de loi dite "Airbnb", a été adoptée, in fine, mardi, par les députés. La suite de la navette parlementaire pourrait néanmoins remettre en cause le taux d'abattement retenu lors de cette première lecture.
Autre texte, autre ambiance : La loi contre l’habitat dégradé à l’Assemblée nationale a été votée le 24 janvier à l’Assemblée. Une proposition de loi présentée en décembre par Patrice Vergriete, actuel, voire futur ex-ministre du Logement, et donc examinée en son absence… Le texte, qui comptait 200 amendements déposés, vise (comme son nom l'indique) à lutter contre l’habitat indigne. Et ce à travers plusieurs axes : pénalisation musclée des marchands de sommeil, renforcement des conditions de relogement des occupants, ou encore facilitation du prêt collectif.
Pour rappel, le texte tend à lutter contre l’habitat indigne, par une intervention sur l’habitat dégradé et la simplification des procédures administratives et judiciaires pour y remédier. Le texte prévoit en outre une nouvelle procédure d'expropriation des propriétaires de logements frappés par un arrêté de péril ou d'insalubrité, avant que la situation ne nécessite la démolition de l'immeuble.
Un amendement communiste a ajouté, en tant que peine complémentaire, l'impossibilité pour ces bailleurs, pendant jusqu'à 15 ans, d'acquérir un bien immobilier autre que leur résidence principale. Des sanctions pénales ont aussi été votées contre la location sans bail écrit. Une nouvelle obligation a été instaurée pour les syndics de copropriété d'informer les copropriétaires et occupants d'un immeuble sur les procédures contre l'habitat indigne en cours.
Prochaine étape : En commission au Sénat le 14 février, hémicycle le 5 mars.
Décryptage :
L’habitat sans politique fixe ?
Dans son rapport annuel présenté hier, la Fondation Abbé Pierre affiche sa préoccupation : la "bombe sociale" du logement a explosé en France en raison de l'"ampleur et de la gravité" de la crise en 2023. Une alerte relayée 70 ans après l'appel de son fondateur à la solidarité envers les sans-abri. La crise du logement traversée par la France est décrite comme "inédite" par la Fondation. En effet, elle touche désormais tous les publics, y compris les candidats à l'achat qui ne réussissent plus à emprunter. Le résultat d'une hausse fulgurante des taux d'intérêt depuis 2022.
Pendant ce temps, Patrice Vergriete, ministre sortant (et bientôt sorti ?) du logement, ne cachait pas son désarroi quant aux marges d’action limitées d’un titulaire de maroquin technique, regrettant au passage son action Dunkerquoise. Si la suite du remaniement risque de combler ses désirs, la situation du secteur reste floue d’autant que Gabriel Attal n’a pas, à ce stade, marqué un cap lors de son discours de politique générale. Mais il est des silences qui résonnent plus que de grands discours. Effectivement, la pénurie de logements s’aggrave. Une crise se dessine. Coûteuse pour les acteurs de la filière, elle pénalisera l’État et les collectivités. Avec une baisse de moitié des 450 000 mises en chantier nécessaires pour les besoins des ménages, une hécatombe se profile aussi sur l’emploi en 2024 : un logement représente en effet 2,5 emplois. Économie en stand by, pénuries et hausses des matériaux, de l’énergie, surcoûts des normes de densité et d’environnement, inflation, méfiance des élus, remontée historique des taux, l’immobilier a beaucoup souffert des temps de crises.
Les temps changent et un paradigme s’efface : le pari d’une régulation du marché par les prix. Lors du précédent quinquennat, le gouvernement a appliqué au logement la politique de l’offre en vogue, laquelle s’est par ailleurs révélée efficace pour l’économie. À l’époque déjà, la Fondation Abbé Pierre pour le logement ou le promoteur Nexity plaidaient à l’inverse pour un soutien à la demande. Tant que la baisse des taux dopait la demande, rendant solvables nombre de primo-accédants, la crise était globalement invisible de l’extérieur. Le retournement des taux, depuis, a ruiné le pouvoir d’achat. Les prix du foncier et de la construction se sont envolés. La crise gagne du terrain et a incité Bercy à ressusciter à la hâte les PTZ (prêts à taux zéro), appuyé en cela par de nombreuses initiatives parlementaires dans le cadre du projet de loi de finances 2024. Résultat : Si le logement coûte à l’État 35/40 milliards, il lui en rapporte environ 90. Dix milliards de moins l’an prochain. Mais l’État peut-il être à lui seul régulateur tant le sujet logement et habitat fait l’objet d’une déconcentration progressive (l’aide à la pierre, les récentes annonces dérogatoires aux dispositifs SRU..) et, à court terme une décentralisation dont le rapport Woerth porte déjà l’esprit en vue de la loi cadre annoncée par le Premier Ministre au Sénat mardi.
Face à ce constat, autant Eric Woerth que les cabinets Attal et Béchu phosphorent déjà pour remettre en cohérence la politique du logement, aidés en cela par moult rapports de la Cour des Comptes. Une première salve a été donnée lors du PLF par le Ministre Cazenave pour, dixit le rapport pour avis parlementaire sur la mission logement : « améliorer la performance de la dépense publique en faveur du logement, par une meilleure évaluation des dépenses fiscales, un recentrage de l’effort public sur les publics les plus défavorisés et une meilleure coordination de l’action des nombreux intervenants publics ». Le deuxième axe qui, n’en doutons pas, fera l’objet d’un vaste débat à l’issue du rapport Woerth et dans les discussions de la future loi cadre décentralisatrice : Un rééquilibrage des responsabilités entre l’État et les collectivités locales pour faire du cadre territorial le lieu naturel de mise en cohérence de la politique du logement…. Vaste chantier en perspective !
Je décentralise, nous décentralisons….
Quant aux compétences, seraient décentralisées les aides à la pierre, les collectivités seraient seules responsables de la programmation financière des logements sociaux, elles pourraient ajuster les loyers à la marge, et définiraient librement le niveau des subventions allouées aux différents projets. Les aides au parc social existant pourraient également être décentralisées.
Bref : On dé-cen-tralise. La troisième piste conduit à privilégier une approche plus qualitative pour prendre en compte les nouvelles priorités sociales et environnementales plutôt qu’à continuer de s’assigner des objectifs quantitatifs nationaux de construction de logements.
Mais toutes les causes du coup de frein à la construction neuve ne sont pas (encore) traitées. Les réticences des maires à construire. Les friches qui tardent à être disponibles. Le fait que la grande majorité des permis de construire sont contestés en justice – ce qui allonge les délais. Le zéro artificialisation des sols (même si l’objectif est légitime).
Bref : on dé-con-centre. Le logement à la sauce girondine ou la nouvelle recette du « en même temps » conjuguée au pluriel des territoires (il faut bien renouer avec le Sénat…)… Mardi, Gabriel Attal, a donc promis son « choc d'offre » pour répondre à la crise, censé se traduire par un soutien au logement intermédiaire, aux loyers légèrement inférieurs au marché, pour aider les classes moyennes.
En somme : augmenter l’offre pour faire baisser les prix (qui a dit que le premier ministre virait à droite ?). Comment ? La bonne méthode du levier de la hausse des financements de la Caisse des dépôts pour amplifier la construction de logements sociaux.
Bref, en attendant les lois, le débat sur le logement mérite d’être lancé.. Choc de l’offre et inflexion sur les dispositifs SRU, gauche et droite sont déjà servis …
Sur la scène politique :
« Gouverner c’est d’abord loger son peuple »
Si dans son discours de politique générale à l’Assemblée, Gabriel Attal a vanté la « puissance » française, liée à sa souveraineté, à son identité en mode Sarkozyste… Mercredi, au Sénat, devant la « chambre des territoires », le Premier Ministre a joué la carte de la proximité, le ton rendu plus Pompidolien en cette année de commémoration de l’ancien Président… L’homme du Cantal et son fameux « arrêtons d’emmerder les Français » n’est-il pas la référence idoine pour des sénateurs attachés à la chasse aux normes et à la rigueur budgétaire…
Rendant hommage aux élus locaux, à un mandat qui nécessite un « engagement absolu », il a répété à plusieurs reprises vouloir travailler avec eux « main dans la main » : « Je veux leur dire toute ma gratitude, ma confiance et ma détermination à construire l’avenir avec eux, à leur faciliter la vie, leur mandat et leur mission ». N’en jetez plus !
Gabriel Attal a rappelé l’enjeu de la mission confiée à Eric Woerth qui doit rendre ses premières conclusions d’ici le printemps. Et d’annoncer « qu’une loi coconstruite avec les associations d’élus sera présentée avant la fin de l’année 2024 ».
Alors que Gabriel Attal a beaucoup dit « je » : « veux, j’ai, je serai... » 142 fois à l’Assemblée, le « Nous » et le « collectif » étaient convoqués au Palais du Luxembourg. Un « Nous » répété ici 27 fois pour faire corps, un « Nous » pour faire cœur, un « Nous » de gauche, lui si adroit quand il s’agit de communiquer. Il faut dire qu’entre deux discours, un anniversaire, celui de l’appel de l’abbé Pierre, résonne et oblige à accentuer l’écho fait à la question du logement au Palais Bourbon. L’homme d’Emmaüs ne disait-il pas « gouverner c’est d’abord loger son peuple » ?
Survolée par le président Macron lors de sa dernière intervention télévisée, la thématique du logement était très attendue dans le discours de politique générale de Gabriel Attal.
On l’attendait, il s’est exprimé mais ne fait pas l’unanimité. Devant les députés, des annonces mais pas encore de cap : « revoir les DPE, simplifier l’accès à MaPrimeRénov et accélérer les procédures, faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage… » Les fonds de tiroir de Bercy et du Boulevard Saint-Germain diront les plus critiques…
SRU : Totem et Tabous
Un cadeau toutefois pour la droite sénatoriale : Gabriel Attal a annoncé un aménagement de la loi SRU, qui oblige les communes à consacrer 20 à 25 % de leur parc immobilier aux logements sociaux. Totem côté LR, tabou à gauche, maintes fois abordé (notamment via la loi 3 DS qui mériterait enfin d’être au moins appliquée…) Le gouvernement souhaite donc revoir la loi SRU. Elle prévoit que les communes doivent atteindre 20 ou 25 % de logements sociaux. Le logement intermédiaire, destiné à la classe moyenne, pourrait être intégré dans ce quota. Autant d’annonces à manier avec précaution alors que le rapport de la Fondation Abbé Pierre pointe une situation globale des plus inquiétantes.
On y apprend que les demandes de logement social sont au plus haut : 2,6 millions de ménages figurent sur liste d'attente aujourd'hui, alors qu'ils étaient 2 millions en 2017. En outre, les problématiques liées au logement touchent désormais "bien d'autres publics", s'inquiète la Fondation. Les étudiants et les ménages sont confrontés au "rétrécissement de l'offre locative" et à une hausse des loyers en raison du développement des locations touristiques de courte durée. Un certain nombre de ménages ne parviennent plus à emprunter pour accéder à la propriété du fait de la hausse des taux d'intérêt et la construction de nouveaux logements, notamment de logements sociaux.
Décentralisé ou déconcentré, keynésien ou libéral, le gouvernement a le choix et au moins une certitude, la question de l’habitat ne pourra plus être traitée sous le seul angle budgétaire et fiscal…
Le calendrier du parlement :
L'agenda parlementaire de la semaine à l'Assemblée nationale :
Mardi 6 février :
> À 15h00 :
- Questions au Gouvernement.
- Lecture définitive du projet de lui visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.
- Texte du Sénat sécurité des élus locaux et protection des maires
> À 21h30 : Suite texte du Sénat sécurité des élus locaux et protection des maires
Mercredi 7 février :
> À 14h00 : Questions au Gouvernement.
> À 15h00 : Suite odj de la veille
> À 21h30 : Suite odj de l'après-midi.
L'agenda parlementaire de la semaine au Sénat :
Mardi 6 février :
> À 14h30 et le soir :
- Explications de vote et scrutin public solennel PPL Société du bien-vieillir en France
- PPL Violences intrafamiliales
- PPL Régime juridique des actions de groupe
Mercredi 31 janvier :
> À 15h :
- Questions d'actualité au Gouvernement
- > À 16h30 et le soir :
- Suite PPL Régime juridique des actions de groupe
- PPL Interdire les dispositifs électroniques de vapotage à usage unique
- PJL Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et PJLO Modification de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010
Le politique de la semaine :
Le monsieur logement des LR !
Thibault Bazin, né le 27 octobre 1984 à Nancy, est un homme politique français et membre des Républicains. Élu député de la 4e circonscription de Meurthe-et-Moselle en 2017, il a été réélu en 2022. Depuis 2015, il est aussi conseiller départemental de Meurthe-et-Moselle dans le canton de Lunéville-2. Avant cela, il a été maire de Rosières-aux-Salines de 2008 à 2017. Formé en économie et finance à l'Institut d'études politiques de Strasbourg et titulaire d'un MBA de l'ESSEC, il a également une expérience en urbanisme. Il est auteur de deux PPL : "portant mesures d’urgence pour remédier à la crise du logement" en octobre et "visant à supprimer les zonages du prêt à taux zéro afin de faciliter l'accession à la propriété sur tout le territoire national" en 2021, orateur régulier du groupe LR, le député a su cranter le sujet logement à droite avec une technicité reconnue par ses pairs.
C'est tout pour cette semaine ! N'hésitez pas à partager cette newsletter avec vos collègues et à nous contacter pour toute question ou besoin de clarifications. On se retrouve vendredi prochain. À bientôt